Société en mouvement

Cercle de réflexion

11e Rencontres internationales du Dialogue Social

➡️ Sur fond de crise politique, sociale et économique majeure, 30 des principaux acteurs économiques, sociaux et politiques français se sont retrouvés le 18 juin 2025 🎤 à l’invitation de Béatrice de LAVALETTE, ancienne vice-présidente de la région Ile de France, élue à Suresnes et présidente de Société en Mouvement, aux 11e Rencontres internationales du dialogue social – devant 600 participants ayant répondu présents tout au long de la journée – et ont délivré un discours particulièrement offensif à l’endroit du fameux «conclave» sur les retraites, qui s’est conclu lundi dernier par un échec cuisant ! Devant le président de la CPME, Amir REZA-TOFIGHI, François HOMMERIL, président de la CFE-CGC, Laurent ESCURE, Secrétaire général de l’UNSA, Cyril CHABANIER, Président de la CFTC ou encore Pierre FERRACCI, président du Groupe ALPHA, ont tous déploré cet échec, qui est aussi celui du Premier ministre, initiateur d’un conclave « cadenassé », selon les propres mots de Pierre FERRACCI, biaisé dès le départ, et dont le résultat, sans suspens, était annoncé. Lors de ces Rencontres, Xavier IACOVELLI, vice-président du Sénat, a proposé de recevoir syndicats et au patronat au Palais du Luxembourg pour relancer les discussions sur de nouvelles bases.

➡️ Alors qu’Emmanuel MACRON et François BAYROU ont appelé à la tenue d’une grande conférence sur le financement de notre modèle social, plus que jamais menacé, les intervenants qui se sont succédé aux Rencontres du dialogue social ont tous insisté sur la nécessité de placer le dialogue social au cœur de toutes gouvernances et réformes, comme levier de performance économique et de progrès social, ainsi que le démontrent les pays d’Europe du Nord et, en France, au plan local, les 85 000 accords d’entreprise, issus de la négociation collective, signés en 2023.

Béatrice de Lavalette et Laurent Escure

La réalité française reste toutefois celle d’un dialogue social fragmenté au plan national, tributaire d’un taux de syndicalisation toujours aussi faible — seuls 8,9 % des salariés adhèrent à un syndicat, plaçant la France en queue de liste des pays de l’OCDE, juste devant la Hongrie et la Lituanie mais loin derrière l’Italie, le Canada, l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Royaume- Uni et plus loin encore des 60% enregistrés pour le Danemark et la Suède. Dans le dernier classement mondial du Forum de Davos, notre pays figure à la 92e place pour la qualité de son dialogue social. Or le lien entre qualité du dialogue social, croissance, compétitivité et emploi sur l’exemple des pays d’Europe du Nord, est clairement démontré, et, à ce titre, secrétaires généraux et présidents ont unanimement salué ces Rencontres, « belle initiative, qui tend à démontrer qu’un dialogue social réussi est encore possible » a déclaré Laurent Escure.

Pierre Ferracci, François Hommeril, Béatrice de Lavalette et Cyril Cosme

Ouvrant la journée, Béatrice de Lavalette a vivement regretté « les conditions dans lesquelles s’est ouvert ce conclave, verrouillé au bout de quelques semaines et dont les conclusions étaient biaisées dès le départ, avec un Premier ministre qui a souhaité gagner du temps pour éviter la censure et un patronat qui n’a clairement pas joué le jeu du compromis, en refusant de faire rentrer les questions du recul de l’âge de départ à 64 ans et de la pénibilité dans le champ de la négociation », ajoutant : « Il faut savoir sortir de ses postures originelles et parvenir à des compromis acceptables par tous pour déboucher sur un accord gagnant- gagnant. De façon plus générale, et cela vaudra pour la future conférence sur le financement de notre modèle social, il est indispensable que chacun des partenaires autour de la table des négociations puisse être respecté, écouté, avec toute l’ouverture et la confiance nécessaire, sans que les conclusions ne soient définies à l’avance et que s’il émerge des propositions concrètes, elles puissent trouver une traduction politique ».  

Astrid Panosyan-Bouvet

A l’inverse, la présidente de Société en Mouvement a salué « comme modèle de dialogue social réussi le projet de loi dit « séniors » porté par la ministre du Travail et de l’Emploi et transposant l’accord national interprofessionnel conclu entre les partenaires sociaux à l’automne dernier, pour favoriser l’emploi des travailleurs expérimentés et le dialogue social ». Présente à ces Rencontres, Astrid Panosyan-Bouvet a tenu un discours fort et engagé en faveur d’une vraie culture du dialogue social, soulignant notamment la nécessité de travailler tous mieux et plus longtemps pour financer notre modèle de dialogue social, en écoutant la voix des partenaires sociaux qui doivent être placés au centre du jeu : « le dialogue social constructif, c’est le compromis sans la compromission » ! « Il est dommage que bien peu, malheureusement, illustrent la démarche de la ministre du Travail » selon Béatrice de Lavalette.

Le président de la CFE-CGC, François Hommeril, en charge du décryptage de l’année sociale, s’est révélé particulièrement sévère à l’égard de la gestion gouvernementale de la réforme des retraites : « François Bayrou a mis en place le conclave pour miser sur le temps et sa longévité politique au poste de premier ministre. Pour qu’il y ait un accord, il faut une négociation équilibrée, ce qui n’a pas été le cas », regrettant que  « le patronat joue son propre jeu », loin de la volonté d’aboutir à un compromis.

« Les cartes étaient biaisées dès le départ puisque la mesure d’âge écartée, nous ne pouvions discuter que de mesurettes, en demandant aux salariés de tout financer. Il ne faut pas comparer les systèmes de retraite en Europe et ne pas repousser l’âge de départ si l’espérance de vie augmente : le temps de retraite en bonne santé est une mesure de progrès social. Nous devons partager la valeur entre ceux qui travaillent et ceux qui sont à la retraite et cesser de demander aux salariés de tout financer. Pour donner un revenu aux non actifs, il faut donner une activité aux actifs. Croissance, taux d’emploi, partage des valeurs, hausse des salaires sont les paramètres essentiels pour sauver notre système de retraite ». Et à Richard Michel, ancien directeur général de LCP-Assemblée nationale, qui lui demandait ce que devait dire le Premier ministre aujourd’hui, le président de la CFE-CGC a répondu : « Plus rien ! ».

À ce titre, les propos de Pierre Ferracci, président du Groupe ALPHA, dans un échange particulièrement passionnant avec Richard MICHEL, ont été éclairants : « Rien ne pouvait aboutir avec 4 mois d’un conclave cadenassé par le gouvernement qui, au bout de 6 semaines, a verrouillé le recul de l’âge de départ à 64 ans. L’exécutif devrait au contraire laisser les partenaires sociaux avancer, notamment sur les critères de pénibilité dont quatre ont été supprimés par le gouvernement. Quant à la capitalisation, si elle existe déjà dans les grands groupes, il faut l’étendre un peu, sans supprimer bien sûr notre système la répartition. Nous connaissons un énorme problème de productivité: on n’investit pas assez en recherche et développement, il n’y a pas assez d’efforts sur la formation et l’élévation des compétences. Il faut réindustrialiser le pays ! », Richard MICHEL ajoutant : « on s’interroge sur le dessein du gouvernement à quelques jours de la fin du conclave, avec le rapport du COR paru 5 jours avant, agitant le chiffon rouge des 66 ans  et la grande conférence sociale par le Président sur une TVA sociale très peu populaire ».

Laurent Escure, secrétaire général de l’UNSA, a choisi d’intervenir sur les perspectives communes de la démocratie sociale et de l’intérêt général, en saluant dans un premier temps ces Rencontres qui démontrent que le dialogue social réussi est encore possible ! « Il faut trouver de nouvelles sources de financement pour la protection sociale, l’optimisme peut être retrouvé dans les moments les plus difficiles et les grands sujets ne peuvent pas être découplés de l’avenir. Il faut faire le pari du long terme. Il faut construire l’avenir du pays et de la jeunesse en sortant des égoïsmes, dans la solidarité pour sauver notre pacte social. Les entreprises ne peuvent demander des aides sans contribuer. Le sens de l’Etat, c’est la démocratie sociale ! ».

Jean-Michel Blanquer, ancien ministre, dans une autre très belle carte blanche, estime que « le sujet des retraites est à articuler avec la réussite collective et la démographie de notre pays. La transition écologique, l’industrialisation, la répartition des richesses sur nos territoires réclament un vrai dialogue social qui est un point d’entrée indispensable d’un cercle vertueux, celui d’un pays tourné vers le futur, avec optimisme, en visant constamment l’intérêt général. Le dialogue social, c’est ce qui fait nation ! Il faut partir des bonnes pratiques de dialogue social comme l’a fait remarquablement Béatrice de Lavalette avec ses 47 accords signés localement, les porter et les diffuser tels de beaux exemples inspirants. Le dialogue social est un point d’entrée du cercle vertueux ! ».

Au cours du Grand duel qui a vu s’affronter deux économistes aux visions différentes de la réforme, tandis que Patrick Artus estime qu’il faut « remplacer la protection de l’emploi par la protection des personnes sur l’exemple du Danemark, supprimer le SMIC qui verrouille les salaires les plus bas », Christian Chavagneux  lui a répondu, se prononçant en faveur de la mise en œuvre de la taxe Zucman (taxation des plus riches disposant d’un patrimoine plus de 100 millions d’euros) : « pour assainir les finances publiques, baisser les impôts n’est pas la solution et toucher aux dépenses, c’est casser la croissance ». À noter que le public qui vote après chaque table ronde table a donné un net avantage (58%) à l’éditorialiste d’Alternatives Economiques.

Année après année, à l’échelon national, notre dialogue social demeure malheureusement en panne, à la traine de la vitalité de nos voisins européens, et, de ce fait, plombe notre croissance, notre compétitivité et l’emploi. Les propos de nos invités étrangers venus de Suède, d’Espagne, d’Italie et d’Allemagne ont été, à ce titre, éloquents.

Plusieurs de ces experts étrangers ont souligné que dans leurs pays respectifs, la négociation se fait au plus près du terrain, dans les branches mais aussi dans les entreprises et l’horaire collectif de travail peut se décider dans chaque organisation après accord majoritaire : toute la place est ainsi donnée aux partenaires sociaux, reconnus et valorisés. Le représentant de l’ambassade d’Espagne a indiqué que l’Espagne « affichait la meilleure croissance des pays de l’OCDE, à 3 %, en association dynamique de dialogue social avec emploi, croissance et productivité ».

Mais sur le plan local, la négociation collective au sein des entreprises françaises reste particulièrement dynamique et bénéfique pour la compétitivité. Pour Estelle Sauvat, directrice générale du Groupe ALPHA, « le dialogue social n’est pas important, il est vital. L’engagement, c’est le sel de l’entreprise ! Il faut toujours aller à la table des négociations lorsqu’on y est convié même si ces négociations n’aboutissent pas toujours ».

 

Face aux défis que représente l’arrivée de l’intelligence artificielle, Christelle Bouron, directrice du développement social chez AXA France a présenté le premier accord conclu dans une entreprise du CAC 40, avec les syndicats sur l’IA. Cécile Tricon-Bossard, DRH de BPCE, a indiqué qu’elle s’engageait pour son groupe dans une démarche similaire.

Autre exemple d’accord « gagnant-gagnant »,celui de Total Energies en faveur de la transition écologique pour les collaborateurs du groupe en France, avec à la clé, « une enveloppe de 2000 euros par salarié pour couvrir 80% de leurs achats ou prestations liés à l’habitat et à la mobilité » a précisé Nicolas Letellier, le directeur des relations sociales du groupe. Et chez Lamy Liaisons, Ludovic Masson a présenté un accord sur les mutations du monde du travail et l’accompagnement des parcours professionnels.

Dans le grand débat consacré à la question du temps de travail, si le président de la CPME, Amir Reza-Tofighi, a rappelé que «le vrai sujet, c’est de permettre à l’entreprise de décider l’organisation du travail et de faire confiance aux entreprises et aux salariés pour définir le temps de travail, en sortant de la logique du tout normatif et en donnant de la flexibilité et de la latitude aux entreprises », Cyril Chabanier, président de la CFTC a estimé que « la véritable question, c’est le taux d’activité et pas la durée du travail : la moitié des de ceux qui arrivent à la retraite ne travaillent plus et le taux d’activité des jeunes est inquiétant », propos appuyés par Samuel Tual, vice-président du MEDEF. Et pour Franck Morel, avocat et ancien conseiller d’Edouard Philippe à Matignon, « nous devons travailler plus et  accroître les possibilités de la négociation », tandis que Gilles de Robien a rappelé que la loi du 11 juin 1996 sur l’aménagement et la réduction du temps de travail (dite loi Robien) constituait un outil incitatif (à l’inverse de la loi Aubry 2 obligatoire) mis à la disposition des partenaires sociaux permettant la signature d’accords majoritaires dans les entreprises offrant allègements de charges de l’Etat, réduction à 32 ou 35h et augmentations des effectifs de 10 à 15%. 3000 accords « gagnant-gagnant », comme chez Whirlpool à Amiens, ont ainsi été signés pour créer 50 000 emplois en quelques mois.

Xavier Iacovelli, vice-président du Sénat, a conclu cette belle, dense et riche journée en indiquant ouvrir grand les portes du Sénat aux partenaires sociaux pour reprendre les discussions. « Pour préserver notre modèle social, il faut redonner de la valeur au travail, travailler plus indéniablement : on ne règle pas le problème structurel par l’impôt.  Il faut chercher des pistes de financement par la natalité, le taux d’emploi, l’égalité salariale femme-homme ».

Retrouvez en vidéo un beau condensé de cette 11e édition !

📹bit.ly/40pRpM3

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